27/09/2014

Dimanche 27 septembre 1914

Tiré de « Cinquante mois d'occupation allemande. »
Auteurs Louis Gille, Alphonse Ooms, Paul Delandshere.Tome 1, 1914-1915. Bruxelles, librairie Albert Dewit 1919.
 
DIMANCHE 27 SEPTEMBRE



Quelle journée de fièvre que ce dimanche qui finit! Nous sommes éveillés par le canon. Dès 5 heures du matin, il retentit comme jamais encore dans Bruxelles.

Les coups sont très précipités; on en compte jusqu'à quarante par minute. Dans certains quartiers, les vitres des fenêtres en frémissent. Une violente bataille est évidemment engagée pas très loin de Bruxelles, du côté d' Assche et d'Alost, car c'est de là que vient le bruit; où perçoit aussi des détonations du côté de Malines. Nos braves soldats sont encore sortis d'Anvers, ils attaquent vigoureusement, ils tâchent de faire une trouée vers Bruxelles. Pourquoi ne réussiraient-ils pas? Devant nos yeux passent des visions de troupes allemandes refluant dans le désordre de la défaite jusqu'au' cœur de la capitale, et de troupes belges les suivant en triomphatrices !...

Aussi tout Bruxelles est-il sur pied. Beaucoup de gens vont se poster, avec des jumelles, à des endroits élevés vers l'Ouest pour « voir s'ils ne verront rien » ; d'autres partent à pied par la chaussée de Gand, la chaussée de Ninove, allant aux informations. Mais voilà bien une autre nouvelle, annoncée par une affiche allemande :



AVIS.
 

Le bourgmestre : Max ayant fait défaut aux engagements encourus envers le gouvernement allemand, je me suis vu forcé de le suspendre de ses fonctions. Monsieur Max se trouve en détention honorable dans une forteresse.

Bruxelles, 26 septembre 1914.

Le Gouverneur militaire allemand, von Luettwitz. 
 

Faut-il dire la stupéfaction du public à cette nouvelle, son chagrin de voir le populaire bourgmestre soumis à une telle épreuve et surtout sa colère contre ceux qui la lui infligent,?


* * *

Le Conseil communal s'est réuni-d'urgence ce matin, à 10 heures. Chacun de ses membres a été chargé par M. Max, dès le premier jour de l'occupation, de remplir une mission déterminée. Les uns doivent s'occuper du ravitaillement de la Ville, les autres surveillent les services d'assistance et de secours, Il s'agit, maintenant, de ne pas laisser se détraquer les rouages. Quand M.. Brassinne (à qui M. Max avait donné pour instructions d'aller quotidiennement aux bureaux du gouvernement allemand pour les communications intéressant l'administration communale) arrive à l'Hôtel de Ville, on lui apprend que le général von Luettwitz vient de téléphoner et lui demande d'aller le voir immédiatement. M. Brassinne ne répond pas. Nouveau coup de téléphone du général, qui insiste. M. Brassine refuse de quitter la séance. Quelques minutes plus tard, le général somme le conseiller communal de se rendre, d'urgence, rue de la Loi.

M. Lemonnier, qui occupe le fauteuil du bourgmestre, et à qui cette communication est faite, la transmet à M. Brassinne, qui demande alors conseil à ses collègues. Tous estiment qu'il doit se rendre auprès du gouvernement général afin de savoir quel projet mijote dans la tête de celui-cl.

Quelques minutes plus tard, M. Brassinne est introduit chez le maréchal von der Goltz et le général von Luettwitz. Celui-ci lui demande aussitôt ce que le Conseil communal de Bruxelles a décidé.

- Je n'en sais rien, répond M. Brassinne; j'ai dû quitter la séance avant la fin des délibérations.

- On doit désigner un bourgmestre, réplique le baron von Luettwitz : revenez nous voir pour nous mettre au courant.

M. Brassinne consent à revenir, mais déclare qu'il ne dira rien s'il n'y est autorisé par ses collègues.



* * *



Dans le public, chacun se rend compte que l'arrestation de M. Max est la conséquence du conflit provoqué par l'imposition d'une contribution de guerre. (1) .

A l'effervescence causée par la canonnade, s'ajoute maintenant la fièvre provoquée par cet événement. L'animation dans le centre de la ville est intense. Les Allemands aussi sont nerveux. De tous côtés, des autos filent à triple vitesse. Les soldats-policiers sont, plus nombreux que d'habitude. Tout à coup, vers 11 heures, on, aperçoit, au boulevard; près de la Bourse, quelques voitures dans lesquelles se trouvent, accompagnés de soldats allemands baïonnette an canon, neuf soldats belges et quatre civils prisonniers. La foule accourt, hors d'elle. On agite chapeaux et mouchoirs, on jette des cris d'enthousiasme aux prisonniers et des cris hostiles aux Allemands. Mais des soldats teutons surgissent aussitôt, en quantité, comme s'ils sortaient de terre. Ils forment instantanément des cordons et, à coups de crosse, repoussent la foule. Cependant, les prisonniers descendent de leurs véhicules, devant la Bourse; dare-dare une forte escouade allemande les conduit à l'Hôtel de Ville. Les manifestations continuent sur leur passage. Des policiers allemands commencent à charger ...

Pour finir la journée, un nouvel avis du gouverneur général: 
 

Il est arrive récemment, dans les régions qui ne sont pas actuellement occupées par des troupes allemandes plus ou moins fortes, que des convois de camions ou des patrouilles ont été attaqués par surprise par les habitants.

J'appelle l'attention du public sur le fait qu'un registre des villes et communes dans les environs desquelles. de pareilles attaques ont eu lieu, est dressé et qu'elles auront à s'attendre à leur châtiment dès que les troupes allemandes passeront à leur proximité.

 
Bruxelles, 25 septembre 1914.



Le Gouverneur général en Belgique, Baron von der Goltz.



Les Bruxellois vont se coucher la rage au cœur et l'invective aux lèvres.



(1) Voir 28 septembre et 28 novembre 1914.

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